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  Octobre 2002
     

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Redevances, peau de chagrin du Ministère de la Culture
 
 
   


[Suite de la page précédente]

C’est ici que réside le premier contresens du Ministère : une donnée numérique est indiscernable d’une autre. Vouloir taxer les disques durs parce qu’il pourraient potentiellement accueillir des copies numériques d’œuvres audiovisuelles est aussi difficile à justifier que de vouloir dédommager les créateurs de logiciels en taxant les bandes magnétiques sous le prétexte qu’ils peuvent servir de support aux logiciels (les cassettes audio ont déjà servi de support aux logiciels). De plus, l’exclusion des créateurs d’œuvres cinématographiques ou littéraires est intenable, car eux aussi sont ou seront victimes de copies illicites.

Le second contresens est plus grave, car il dénote l’absence de perception par le Ministère des enjeux économiques portés par la révolution numérique : le système de la redevance est condamné à disparaître sous la double pression de la libre-circulation internationale des fichiers numériques et de la restructuration de l’industrie des biens culturels. L’achat de Napster par Bertelsmann marque en effet un tournant : le consommateur va pouvoir s’abonner à un service unique (et non plus acheter des biens culturels) lui offrant un accès illimité à un catalogue de biens audionumériques.

Bertelsmann, un pari culturel d'envergure

Le projet de rapprochement d’EMI et de BMG, filiale de Bertelsmann, et l’adhésion de TVT Records et d’Edel, labels indépendants leaders aux Etats-Unis et en Europe risque fort de créer une masse critique qui va pousser les autres Majors à s’associer à Bertelsmann autour de Napster pour se partager les royalties. Ce service, grâce à un accord de Bertelsmann avec la société Liquid Audio pourra même aboutir à la création de CD à la demande et sur mesure expédiés par voie postale sans même que cette confection se passe en Europe. Ce faisant, les supports ne seront plus taxés. Dès lors, le système de redistribution géré par la SACEM, privé de ses ressources, sera de facto dévolu aux Majors. L’attitude des pouvoirs publics va devoir considérablement évoluer pour encadrer cette gestion.

Cela signifie aussi que les business models de la nouvelle économie essaiment pour se diffuser aux biens culturels. La rémunération principale du producteur découle désormais du service fourni, et de manière annexe de la publicité. Il est ainsi probable que Napster va offrir plusieurs niveaux d’abonnement, allant d’un simple accès indifférencié au catalogue à un abonnement haut de gamme offrant une aide à la découverte de nouveaux talents, des recommandations personnalisées... Le même processus va probablement s’opérer pour les films, qui intègrent déjà des recettes publicitaires diverses (placements de produits dans les œuvres, etc.) et bénéficient des économies liées à l’intégration des outils numériques (effets spéciaux, par exemple).

La révolution est en marche

Un système d’abonnement cinématographique est d’ailleurs déjà à l’œuvre à Paris, les circuits comptant se rémunérer sur des services autrefois perçus comme annexes mais appelés à se développer. Car désormais la valeur commerciale ne se confond plus avec la valeur artistique d’une œuvre : elle découle du mode d’accès à cette œuvre. La commercialisation est appelée à se concentrer sur deux critères : la gestion de la rareté et la valeur ajoutée proposée. Il est ainsi probable que l’on s’achemine vers des transferts de tarifications. Les avant-premières de films (rareté des places et échanges directs entre public et auteurs), les concerts (rareté des manifestations et valeur du spectacle) et les ouvrages sur papiers en série limités seront plus chers car disponibles immédiatement et avec un service supérieur. Le prix sera proportionnel au privilège accompagnant l’accès à l’œuvre. L’impact de ces changements radicaux des modes de distribution et de consommation est potentiellement très important.

Pour les auteurs, tout d’abord, qui vont devoir apprendre à se transformer en entrepreneurs et dissocier l’effort créatif de l’effort commercial. Certains auteurs refuseront peut-être d’assumer ce nouveau rôle et deviendront, ironie de l’histoire, ce que Marx appelait de ses vœux pour sa société post-révolutionnaire : « ouvrier le matin, Mozart l’après-midi ». D’autres, comme c’est déjà le cas pour les producteurs-présentateurs de télévision, s’en sortiront brillamment.

Pour les pouvoirs publics ensuite, qui vont devoir apprendre à cogérer le secteur avec les industriels, qui ont saisi les premiers l’ampleur de la révolution liée à l’économie numérique. Le périmètre et la structure du droit anti-entente ainsi que ceux de la propriété intellectuelle, en particulier la définition du domaine public, seront probablement les chantiers du passage de l’ère des biens à celle des services culturels. Celui de la coopération européenne et internationale dans ces domaines en sera un encore plus grand.


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Liens


Entreprises citées

Bertelsmann


EMI

Liquid Audio
(Editeur de logiciels pour le secteur musical)

Napster
(Ex-filiale de Bertelsmann, spécialisée dans le P2P)

BMG
(Filiale de Bertelsmann, spécialisée dans l'édition musicale)

Edel
(Label musical indépendant)

TVT Records
(Autre label musical indépendant)


Autres Sites

SACEM 

Business 2.0 - Finally, a Reason to Listen to Listen.com
(à propos de Listen.com)

Business 2.0 - The Music Industry Turns a Corner
(à propos d'une nouvelle approche de vente de Vivendi Universal)

Context - Round 2.0
(voir notamment la section "Media distribution")

Business 2.0 - Techies and the RIAA: A Telling Truce?
(à propos du bouleversement introduit par les TIC dans le monde de la musique)

CNET - The RIAA's hollow victory over ISPs
(RIAA contre P2P - victoire à la Pyrrhus)

SVM - Taxe sur les copies privées : les industriels saisissent le Conseil d'Etat (distinction entre copie "patrimoniale" et "de confort")

(p2p)3 - Partage, ou meurs - Le point de vue d'un éditeur de musique
(point de vue iconoclaste sur les effets du p2p en matière de vente de musique)

O'Reilly network - Piracy is Progressive Taxation, and Other Thoughts on the Evolution of Online Distribution
(réflexion originale sur les effets du piratage sur le secteur de la musique)

Business Week - Big Music's Broken Record
(analyse des chutes des ventes démentant le discours des maisons de disques)

SiliconValley.com - The Great Recording Industry Business Model Contest: Winners' Circle
(analyse d'un professeur de la Sauder School of Business, University of British Columbia)


Références bibliographiques

Il était une fois Linux 
(biographie de Linus Torvalds, en particulier les pp. 245 - 273)


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