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Les difficultés récurrentes d’anticipation de l’entreprise face à un
environnement changeant écrasent un des atouts majeurs de la start-up : sa réactivité. Les multiples échecs, intrinsèquement
liés à l’activité du capital-risque, s’accordent mal avec le maintien d’une image de marque immaculée. L’entreprise souffre
d’endogénéité destructrice chronique issue de son héritage technologique et stratégique. L’isolement du CV pousse certains
acteurs, comme Reuters, à le transformer en… fonds de capital-risque.
Existe-t-il alors un ‘code génétique’ des entreprises aptes à bénéficier
de l’apport des start-ups ? Quelques succès semblaient le démontrer, mais ce modèle semble être enrayé par la chute
des cours de groupes habitués à acheter en papier certaines perspectives de croissance. Plusieurs entreprises n’ont en
outre pas les moyens d’intégrer les gains non-financiers de leurs investissements dans une stratégie à moyen terme clairement
définie. Est-ce à dire qu’elles ne doivent pas se lancer dans le CV ? Non, bien au contraire, car c’est se donner le moyen
d’intégrer l’innovation.
Le test ultime de pérennité du CV résidera finalement dans sa capacité à
s’adapter sur le long terme à l’activité cyclique du capital-risque et à survivre aux phases baissières. Cela prouvera
la maturité de l’industrie du CV, une majorité de corporate partners n’ayant jamais affronté de cycle dépressif.
Pour cela, le CV doit accepter ses limites, comme par exemple les risques
de litiges juridiques liés à l’accusation de violation de propriété intellectuelle, et se limiter par exemple aux start-up
dont l’atout principal réside dans leur excellence à implémenter, comme c’est le cas des e-marketplaces, champ d’action
privilégié du CV.
Un autre risque juridique concerne les accusations de stérilisation de
l’innovation. Certaines entreprises n’hésitent ainsi pas à investir dans des disruptive technologies pour les retirer
du marché, s’attirant ainsi légitimement les foudres du juge de la concurrence. La difficulté à accepter la vente à des tiers
est un frein à moyen terme au développement de la start-up. Quant à la sortie du programme, elle reste souvent problématique,
alors qu’un fonds de capital-risque peut gérer un portefeuille bien au-delà du terme de son activité.
En résumé, les critères qualifiants, hors cas particuliers évoqués, sont
les suivants :
* pas de propriété intellectuelle forte ;
* une implantation sur un marché de masse débouchant sur un marché de
niche complémentaire ;
* un investissement groupé à ceux d’autres acteurs ;
* une aptitude à prendre des risques ;
* une stratégie d’imitation selon le secteur, la nature du métier et la
structure du marché, et non d’innovation, plus volontiers financée par des risqueurs indépendants poussant leurs participations
à lancer leurs produits plus vite.
Quelles conclusions ?
CV et capital-risque, en coexistant dans des sphères différentes, sont appelés
à se compléter en choisissant les modalités de leur alliance, ainsi que, dans une certaine mesure, de leur coopetition.
Pour cela, l’industrie du CV, souffrant d’un manque de soutien à long terme et agrégeant trop d’attentes contradictoires, doit
auparavant gagner en maturité. Désormais, les écosystèmes d’entreprises accueillent des programmes plus larges : de nouveaux
partenariats (venture leasing), l’essor de la méta-incubation, la participation à de nouveaux produits financiers
(fonds de fonds) sont autant de pistes à explorer. Beaucoup d’entreprises réalisent seulement que comprendre les nouveaux cycles
des produits et anticiper l’impact des nouvelles technologies est un des fondements de la pratique désormais courante des
affaires.
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