Par Cyril Demaria et Laurent Kretzschmar
Un nouveau conte de fées ? Les entreprises, dotées de multiples baguettes
magiques (R&D, ressources financières, etc.), sont appelées à se pencher sur le berceau des start-up hi-tech. Les
avantages de ce nouvel avatar du « big is beautiful » seraient tellement évidents (synergies et logique industrielle)
que le terrain serait conquis d’avance.
Pourtant, cette vague de corporate venturing (CV) pourrait bien
refluer avec la net-économie et les désillusions de jeunes pousses se piquant sur le rouet des réalités financières,
stratégiques et internes. C’est ici que s’arrêtent d’habitude les programmes de CV… A moins que, forte de son décalage dans
le cycle, cette nouvelle vague ne recueille les fruits de la purge actuelle. Car face à la supposée débâcle du capital-risque,
le CV est appelé à la rescousse. Mais de quoi s’agit-il ?
Le CV regroupe des situations très diverses (Cargill, Eastman Kodak ou Intel),
même s’il ne concerne principalement que des Fortune 1000. Cette hétérogénéité rend sa définition et son analyse difficiles.
Généralement défini comme un ensemble de ressources financières isolées pour investir dans des entreprises privées, il s’étend
aussi à l’”intrapreneuring” ou l’incubation, c’est-à-dire l’exploitation interne de la propriété intellectuelle ou de concepts
extérieurs. Cette définition s’accompagne de tests simples.
Premier test : le CV a-t-il résisté à l’explosion de la bulle boursière ?
Il le devrait, car les gains financiers, même s’ils entrent dans l’évaluation
problématique des programmes de CV, ne sont pas déterminants. Un arbitrage purement financier opéré par une entreprise ne crée
pas de valeur pour des actionnaires pratiquant leurs propres arbitrages, notamment en private equity. Par ailleurs,
l’allocation de moyens à un CV se fait aux dépens d’autres postes (R&D…). Cette opération, sanctionnée par le marché si c’est
un échec, ne sera pas valorisée en cas de succès, car classée comme « gains exceptionnels ».
Le gain financier reste donc secondaire pour le CV : seules les entreprises qui
lui associent de manière cohérente une stratégie d’ensemble, comme c’est le cas de Cisco qui a transformé le CV en mode de
développement, ont connu des succès en la matière. En effet, les raisons stratégiques ponctuelles (développer des nouveaux
produits, défricher des marchés ou exploiter la propriété intellectuelle inexploitée) sont insuffisantes.
D’où le deuxième test : le CV a-t-il fait la preuve de sa résistance aux
aléas politiques internes de l’entreprise ?
La réponse semblait être positive avec l’avènement du CV version net-économie,
adaptant les programmes classiques aux nouveaux modèles économiques, incubation en tête. Les incubateurs d’entreprise sont
peut-être les structures où le CV prend le plus de sens : en charge d’aider des porteurs d’idées à fort potentiel dans le cadre
du développement initial, ils fournissent un espace de travail, du soutien technique et administratif, des conseils ainsi que du
capital d’amorçage.
A la différence des fonds de CV, les incubateurs internes tissent des liens
plus étroits entre la jeune pousse et l’entreprise parente. Les transferts, notamment culturels et technologiques, se font en
théorie plus facilement. Mais le défi est double : le risque de ne pas trouver la vitesse d’exécution adéquate et la
souplesse des relations attendues par son management s’accroît. Le manque récurrent de compétences internes (aptitude à générer
un flux d’affaires, sélection,…) ne permettent de travailler que sur un nombre limité de projets liés aux actifs préexistants de
l’entreprise.
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