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  Avril 2004
     

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Communication d’entreprise : pour une approche diplomatique des technologies de l’information

 
 
   


Par Frédéric Bachelet

Nouvelles technologies : des usages grand public désormais matures

Autrefois passif et neutre (en partie par manque d’intérêt, en partie par manque d’outils d’expression), le grand public a désormais appris à maîtriser les techniques et les applications d’Internet, des forums électroniques, de la téléphonie mobile et des réseaux pour développer des comportements à la fois plus complexes et plus interactifs.

Le succès des SMS ou le niveau de maturité de certains Weblogs illustrent cette capacité des utilisateurs à s’approprier les technologies nouvelles.

Ce phénomène est d’autant plus marqué que le média utilisé est flexible et indépendant. Internet est à ce titre un terrain d’expérimentation interactif privilégié.

De l’expression à la revendication

La volonté des internautes de débattre et de revendiquer, au plan individuel ou de manière organisée, a envahi la communication commerciale. Ceci est de nature, sinon à transformer les rapports de force entre entreprises et consommateurs, en tout cas à modifier substantiellement la nature des risques qu’elles encourent.

Actionnaires, organisations non gouvernementales, groupuscules activistes ou même simples individus profitent des nouveaux réseaux pour communiquer à grande échelle. N’importe quelle entreprise peut être ouvertement critiquée, y compris par ses propres employés (vault.com), sans qu’il soit possible de contrôler le contenu des informations diffusées. Certains sites débattent ainsi des mérites des entreprises en matière de corporate responsibility et dénoncent régulièrement leurs manquements réels ou supposés en matière de respect de l’environnement, de droits de l’homme ou des minorités (transnationale.org, Caspian).

Les happenings médiatiques internationaux ne sont pas nouveaux : Greenpeace ou Amnesty International y excellent depuis de nombreuses années. En revanche, la rapidité et la facilité avec laquelle de nouveaux mouvements peu structurés et incontrôlables se créent est une menace pour l’entreprise. En particulier, le risque est patent pour toute organisation, commerciale ou non, d’avoir à faire face à la diffusion d’informations sur lesquelles elle n’aura aucune prise ou auxquelles elle ne pourra exercer un droit de réponse efficace.

Quelle porte de sortie pour les entreprises ? De la prescription à la participation

Les moyens d’action des entreprises sur ces réseaux de diffusion élargie d’information sont limités. En amont, les départements marketing ont peu de moyens d’influence sur les choix éditoriaux puisque les sites revendicatifs agissent hors des réseaux commerciaux classiques. En aval, les moyens d’action informationnelle dont dispose l’entreprise sont insuffisamment flexibles pour répondre efficacement aux critiques multiformes.

Trop chers, trop lents, trop généraux, les médias traditionnels (télévision, radio, magazines) ne permettent pas de répondre à toutes les critiques, d’autant que leur efficacité est liée à la simplicité des messages qu’ils véhiculent. Les canaux habituels de la communication professionnelle (communication, relations publiques, marketing) sont incapables de faire face aux réseaux atomisés, difficilement lisibles et souvent protégés par leur ‘fluidité géographique’ privant l’entreprise de moyens légaux effectifs pour se défendre.

C’est parce que le capital intangible que représente de nos jours l’image de marque de l’entreprise (brand) est à la fois stratégiquement et financièrement critique, qu’il est impératif pour les états-majors de repenser les politiques de communication et de prendre en compte l’éclatement des sources et des moyens de communication.

L’affaire McDonald’s vs. Libel

L’affaire McDonald’s – Libel illustre la nécessité pour les entreprises d’adapter leur mode de communication pour anticiper l’utilisation des médias interactifs. Elle est symptomatique des failles d’un plan de communication rigide, inadapté aux contraintes modernes et reposant sur un usage intensif de l’image de marque. Parce que cinq activistes distribuent des tracts dommageables et mensongers devant ses restaurants, McDonalds décide de lancer une action en justice du début des années 1990. Après deux ans et demi de procès, McDonald’s gagne la bataille juridique et reçoit 60 000 livres sterling de dommages et intérêts. Mais la chaîne de restauration perd la guerre médiatique orchestrée par les activistes et relayée par un site internet (mcspotlight.org) qui recevra plus de 2,2 millions de hits durant le procès et recueillera fin 2003 plus de 185 millions de visites cumulées.

La dramatisation de l’action, servie par un ancrage émotionnel à la David contre Goliath, a assuré aux activistes une couverture médiatique traditionnelle, gratuite et globale. Car si McDonald’s a obtenu gain de cause, le procès a servi de tribune aux activistes pour dénoncer des pratiques commerciales douteuses de l’entreprise et étayer leurs arguments en utilisant les pouvoirs d’investigation qu’une action en justice offre à la défense.

Ce procès n’est donc pas une simple maladresse de relations publiques, mais une erreur d’appréciation de McDonald’s qui n’a pas su comprendre que la nature des nouveaux réseaux rend difficile l’identification et la canalisation de la contestation et demandait un autre type de réponse que celui habituellement utilisé par la chaîne de restauration.

Pour une diplomatie des affaires

Les entreprises seraient donc avisées de développer une stratégie adaptée aux nouveaux usages engendrés par l’innovation technologique en adoptant une diplomatie des affaires se différenciant clairement des techniques de relations publiques traditionnelles :

- Permanente plutôt qu’épisodique, la politique de relation publique de l’entreprise doit pratiquer une veille continue pour identifier et évaluer les risques en temps réel ;

- Participative plutôt que réactive, l’entreprise doit interagir avec les créateurs ou diffuseurs d’information de manière positive et s'assurer un droit de réponse utilisant de préférence les mêmes réseaux ;

- Discrète plutôt qu’ouverte, la communication de l’entreprise doit se mettre au niveau de ses interlocuteurs et s’abstenir, contrairement à McDonald’s, d’utiliser tout son poids ou toute sa force pour pousser ses points de vue ;

- Compréhensive plutôt qu’agressive, l’entreprise doit résoudre les conflits de manière pacifique et ainsi éviter tout risque d’une escalade médiatique ;

- Sur-mesure plutôt qu’indifférenciée, la réaction de l’entreprise doit s’adapter aux réseaux qui la visent et allumer des contre-feux proportionnés à des critiques qui se basent souvent sur des valeurs émotionnelles (santé, environnement, conditions de travail…).

Il est ironique que les entreprises, qui savent depuis longtemps faire la distinction entre les qualités intrinsèques et les qualités perçues d'un produit, peinent à réaliser que leur vision du monde, aussi objective et légitime soit-elle, puisse être très différente de celle de groupes d’individus ou d'activistes qui viennent de trouver des tribunes pour diffuser leurs opinions.

 
 
 
Liens


Entreprises et organisations citées

Vault.com


Caspian


Transnationale.org


McDonald's


mcspotlight.org

Pour en savoir plus

Internet pèse de plus en plus dans les images de marque - Journal du Net

Petite guerre de l'information contre EDF - Infoguerre.com

Drug groups look at software to ‘spy' on blogs - Financial Times (inscription requise)

Références bibliographiques

The Naked Corporation - by Don Tapscott & David Ticoll, Free Press, 2003

Winning PR in the Wired World - by Don Middleberg, McGraw Hill, 2001


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