360 Journal
  Juillet 2003
     

Web 360Journal


 
Souscrire à la newsletter
(Hébergée par YourMailingListProvider.com)
 
 
     
   
   
   
   
   
   
   

 

 

 

 
Weblog Commenting by HaloScan.com
 
 
   
  Partagez cette adresse avec un ami, conseillez lui : www.360journal.com.
 
 
Sécurité financière : anticiper et accompagner

 
 
   


Par Cyril Demaria

Le Sarbanes-Oxley Act, adopté en 2002 aux Etats-Unis, est inadapté. En alourdissant de manière indifférenciée les modalités de contrôle financier il impose des contraintes disproportionnées aux petites entreprises, certaines ne trouvant plus d’administrateurs. Les publications de résultats sont même devenues aux Etats-Unis des éléments juridiques à charge plus qu’un moyen d’expliquer l’activité aux actionnaires.

Les valeurs de croissance technologiques sont particulièrement touchées. Certaines ne sont plus suivies par les analystes. Jugées trop risquées ou peu propices à l’investissement - voire même sources potentielles de procès -, elles sont de facto enfermées dans un cycle infernal : n’attirant pas l’attention, elles ne recueillent pas d’investissement, et sans le relais des analystes, elles sont condamnées à l’anonymat. Le marché, n’étant plus un moyen de financement de l’innovation depuis le krach de 2000, risque de se transformer en circuit fermé où :

1. une majorité de valeurs au parcours boursier souvent honorable, s’essouffle à briller tandis qu’une minorité engrange l’essentiel des capitaux. Certaines de ces valeurs optent alors pour le scénario coûteux du retrait de cote (avec ou sans LBO), tandis que d’autres parviennent à attirer des fonds pour effectuer un PIPE (private investment in public entities). Ces opérations nécessitent l’intervention d’investisseurs spécialisés, ce qui limite nécessairement leur nombre.

2. les valeurs bénéficiant de capitalisations importantes rachètent à bon compte les petites valeurs, ce qui comporte un risque de sous-exploitation, voire même de stérilisation, de leur potentiel d’innovation, critique notamment adressée à l’OPA projetée d’Oracle sur Peoplesoft par les dirigeants de JD Edwards et de Peoplesoft, partis fonder leurs entreprises car Oracle n’était pas capable de suivre ces innovations.

L’économie risque d’être divisée entre un petit nombre de conglomérats consacrés par la cote et des entreprises aspirant à y entrer pour financer leur expansion sans pour autant pouvoir espérer y briller. Le retour de balancier boursier en faveur des large caps favorise ce genre de scénario, porté par la gestion indiciaire qui privilégie les larges capitalisations et leur fournit ainsi les moyens de se financer pour externaliser leur R&D ou garder la maîtrise d’un marché donné. Les risques inhérents à un modèle « à la japonaise » de conglomérats cotés, dont l’évaluation et le contrôle restent problématiques, sont doubles : la paralysie du système économique en cas de crise nécessitant la liquidation d’entreprises défaillantes et surtout la chute potentielle du système bancaire et financier.

Cela fait peser un risque systémique non négligeable sur la cote et raréfie les scénarios de sortie pour les fonds de capital-risque. Certaines initiatives mériteraient ainsi d’être examinées, telles que celle du Bermuda Stock Exchange, qui a lancé un marché « mezzanine » préparant l’entrée progressive des entreprises sur le marché. Cet alignement progressif des valeurs sur les critères de cotation permet de familiariser les investisseurs avec les valeurs et leur donner de la visibilité. Il ne s’agit pas de multiplier les compartiments de la cote mais d’accompagner les valeurs et rééquilibrer, par la même occasion, l’allocation d’actifs en limitant la montée en puissance des fonds de LBO/retournement au détriment du capital-risque, car ce phénomène risque de devenir pervers et à double titre.

Tout d’abord, la constitution de méga-fonds de private equity leur donne les moyens de peser sur le tissu économique, sans réel contrôle, ni garanties. Les opérations de LBO récentes en France ont démontré que ces fonds peuvent faire passer des valeurs majeures de la cote « sous le radar ».

Ensuite, le financement de l’innovation lui-même risque de se trouver durablement handicapé, car seul le capital-risque finance les entreprises innovantes, c’est-à-dire les locomotives économiques de demain. En modifiant l’application des ratios prudentiels, les Accords de Bâle II vont pénaliser un peu plus le financement de l’innovation au profit des autres branches de l’asset management… sans pour autant atteindre leur but en réduisant le risque global que court l’économie.

Le LBO présente un risque spécifique, que l’absence d’un contrôle adapté risque de systématiser : celui de l’implication croissante et diffuse du marché de la dette dans les opérations à risque. Le mécanisme de gestion des risques de Bâle II est insatisfaisant pour saisir les opérations complexes faisant intervenir plusieurs institutions financières spécialisées sur une même opération. Il va avoir pour impact de démultiplier le nombre de véhicules ad hoc à effet de levier ; et surtout celui des opérations de titrisation, car la notation financière de l’émetteur est un critère essentiel d’évaluation des risques indépendamment de celui des sous-jacents. Le marché n’est donc pas à l’abri de crises de type LTCM ou junk bonds nouvelle version.

En drainant une part importante des capitaux, le private equity européen est devenu un secteur économique à part entière, mais sans corporate governance. Le fait que le débat aux Etats-Unis sur la transparence des investissements dans le secteur non coté n’ait pas franchi les rives de l’Atlantique, est à cet égard très révélateur. Plus qu’un durcissement des ratios prudentiels, c’est une professionnalisation accrue du secteur qu’il faut rechercher, par le développement des fonds indépendants modernes et des fonds de fonds ; l’organisation d’un marché secondaire efficace ; la diffusion accrue d’informations ; la mise en place d’une corporate governance spécifique et sanctionner les gérants si nécessaire. La future loi sur la sécurité financière est le moyen d’anticiper ces dérives potentielles et de se doter des moyens d’accompagner ces évolutions.

 
 
 
Liens


Pour en savoir plus

Has Sarbanes-Oxley Made a Dent in Corporate America's Armor?
- Knowledge@Wharton

Stroock PIPE Alert
- Stroock & Stroock & Lavan LLP, Mai 2001 (.pdf)

Capital Famine Relief
- Peter Bartram, Accountancy Age, 3/1/2003

Projet de Loi relatif à la Sécurité Financière
- Ministère de l'Economie et des Finances (.pdf)

Commentaire des Accords de Bâle II
- Agefi

EVCA
- répartition des fonds alloués au private equity entre capital-risque et LBO (.xls)


© 2000-2006 The 360 Journal. All Rights Reserved. The 360 Journal Team