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  Mai 2003
     

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Internet et pricing : une révolution peut en cacher une autre

 


Par
Nicolas Humeau,
Laurent Kretzschmar
et
Cyril Demaria

Internet a radicalement modifié notre perception de l’information, et au premier chef des prix. Ses utilisateurs disposent d’un accès quasi-immédiat à une information enrichie sur les produits et services proposés, à la fois en ligne et hors ligne. La bataille des prix a d’emblée émergé comme un des moyens les plus évidents d’acquérir un leadership via le gain de parts de marché, grâce à une nouvelle génération d’outils : les comparateurs de prix et les sites d’enchères.

En conséquence, la segmentation des marchés est profondément remise en cause. L’économie numérique accélère la formation d’oligopoles sur certains segments de la chaîne de vente, tout en ouvrant des chantiers en matière de production de biens, de restructuration des coûts ou encore de suivi des attentes du client. Logiquement, les exigences des clients et le rôle des intermédiaires ont considérablement évolué. Les logisticiens proposent désormais une traçabilité en temps réel des produits. Le rôle des grossistes est plus flou.

Une structure de prix rénovée a émergé, l’offre et la demande se rencontrant plus facilement. De manière concomitante, les exigences du client tendent à se diversifier et incluent de nouvelles attentes. Plus qu’une révolution des prix, Internet a révélé une demande insatisfaite de services cachés. L’arbitrage quasi-instantané des prix des produits « nus » s’est accompagné de l’émergence de services associés.

Typologie des facteurs de mutation

Shopbots

Les comparateurs de prix (shopbots) sont des sites d’intermédiation basés sur un moteur de recherche. A partir de critères précis, cet outil prospecte automatiquement les sites marchands pour proposer une synthèse des prix d’un produit donné. En termes économiques, l'intérêt est d'approcher les conditions de la concurrence pure et parfaite en supprimant les frictions provoquées par une asymétrie d'information.

L'introduction de l'euro semble avoir insufflé une nouvelle dynamique aux principaux shopbots européens. Les internautes comparant les prix d'un produit élargissent ainsi leur périmètre d'achat. Une solide base de visiteurs récurrents permet aux leaders comme MySimon ou Kelkoo de se targuer d'une influence significative sur certains segments de marché. Des marchands pure players d’appareils numériques ou de CD musicaux se sont fait connaître ainsi. Le site Music Box annonce réaliser 30% de son chiffre d'affaires par l'intermédiaire des shopbots, alors que plus généralement, 38,7% des internautes déclarent recourir "tout le temps" ou "régulièrement" à leurs services avant d'effectuer un achat en ligne1.

Sites d'enchères

Les sites d’enchères reproduisent le modèle des enchères en l’adaptant à Internet. Tous les types d’enchères sont représentés, mais seuls les sites les plus capitalisés semblent avoir un avenir. Le plus connu d'entre eux, Ebay, pionnier des enchères en ligne sur le territoire américain, a démontré qu’il était possible de rentabiliser ce business model.

Les sites d’enchères modifient concrètement la façon d’aborder le pricing. Le reverse auctioning renverse radicalement les termes de la proposition : ce n’est plus l’offreur qui propose un prix (push) mais plutôt l'acheteur qui fait une d’offre (pull). Plus généralement, les sites d’enchères les plus courants modifient le jeu de l’offre et de la demande. Pour les biens numériques2, ou livrables à bas prix, Internet crée un marché virtuel sans limites géographiques et étend ainsi la flexibilité des prix à des produits jusque-là soumis à des régimes de prix fixes.

Les internautes connaissant et utilisant les sites d'enchères sont moins nombreux que pour les comparateurs de prix. Le modèle des enchères en ligne semble néanmoins avoir trouvé un relais auprès de la sphère publique : le gouvernement a publié en septembre 2001, dans le cadre du nouveau code des marchés publics, un décret qui précise les règles applicables en matière d'enchères inversées publiques en ligne applicables aux "fournitures courantes" (matériel informatique, fournitures de bureau...).

Dynamic pricing

La fixation dynamique des prix (dynamic pricing) a été généralisée à beaucoup d'industries parce qu'elle s'applique facilement sur Internet. Des sociétés comme EasyRentaCar ou Ryanair modifient leurs prix très fréquemment, en quasi temps réel, selon l'état de la concurrence, des stocks et de la demande. Plus la réservation est effectuée tôt, plus les prix sont faibles. Certaines grandes compagnies aériennes confrontées au yield management (Air France, Nouvelles Frontières) expérimentent cette nouvelle modalité de pricing. Il s'agit d'une accélération et d'une généralisation d'une pratique jusque-là minoritaire.

Conséquences de l’essor de ces facteurs de mutation

Les sites d’enchères inversées se sont rapidement transformés en sites marchands classiques. La marge générée étant faible et l’effet de levier ne pouvant s’exercer que sur des produits à forts volumes, où précisément la marge des intermédiaires était déjà modeste, il est rapidement apparu que la vente traditionnelle devait prendre le relais.

Et si la désintermédiation a permis un certain nivellement des prix, l’histoire économique enseigne que tôt ou tard une source de différenciation permet de rétablir une échelle des prix. Sur Internet, la richesse et la variété du service remplissent cette fonction. Le paradigme d'une nouvelle théorie du pricing se rapprocherait donc du service sur mesure.

Pricing et gratuité

Dans la sphère Internet, la gratuité représentait "le" moyen de susciter des visites dans un contexte où le temps et l'attention des internautes sont rares. Cette course au "mind share" au détriment de la rentabilité a sous-tendu les business models de nombreux sites pionniers, mais n'a jamais été un moyen de générer des revenus stables. Le grand défi des modèles gratuits a été de prouver leur rentabilité. Les modèles liés aux seuls revenus publicitaires ont ainsi rapidement montré leurs limites et la plupart ont abandonné l'espoir d'imiter sur Internet le succès des chaines privées de radio et de télévision. Plus du tiers des revenus de Yahoo provient aujourd'hui de services payants et de vente de listings.
Internet permet-il une rentabilité durable grâce aux seuls revenus publicitaires ? La question reste posée. Auréolé par son succès tout en gardant secret les détails comptables tels que la part de la vente de services de recherche dans ses revenus totaux, Google entretient le mythe.


Pour de nombreuses start-ups, la déconvenue fut réelle. Le time-to-market avait été élevé au rang de règle de gestion, souvent au détriment de la pertinence de l’offre. Des fonds considérables ont été investis sur la seule foi de promesses de parts de marché futures. La théorie du first mover advantage ("avantage au premier arrivé") prônant un positionnement rapide à tout prix sur un marché pour profiter du paradigm shift propre à la « nouvelle économie » a désormais fait long feu.

Dans le cas du commerce B-to-B, l'émergence du "facteur services" a également alimenté les espoirs (déçus depuis) placés dans les places de marché en ligne, qui combinent les trois facteurs de mutation décrits précédemment. Faute de valeur ajoutée fonctionnelle suffisante, les marketplaces n’ont pu atteindre la taille critique qui leur aurait permis de s’imposer. Les projets de grande envergure comme Covisint (constructeurs automobiles) ou WWRE (WorldWide Retail Exchange, grande distribution) ont de même concentré le modèle de la marketplace sur une dynamique de prix toutes choses étant égales par ailleurs.

Pourtant, la notion de services prend son sens à mesure que le contact client-fournisseur devient désincarné : les options d’achat, les garanties de paiement, la logistique et bien d’autres facteurs doivent plus que jamais être pris en compte tout en maintenant les habitudes commerciales (« petits gestes ») dans une logique d’harmonisation des pratiques en ligne / hors ligne. Le saut doit donc être qualitatif autant qu’économique : le prix n’est qu’une composante de la dimension essentielle qu’est la réduction du coût total. Les économies générées par la réduction des coûts de transaction et de recherche, ou une souplesse accrue du processus, peuvent ainsi dépasser largement celles pesant sur les marges du fournisseur. A preuve, les enchères descendantes ne sont pas spécialement plébiscitées, malgré leur notoriété (seulement 15% des entreprises achetant sur le net ont essayé ce modèle).

La redéfinition des niveaux de service ouvre de vastes perspectives, mais les vendeurs en ligne doivent pour cela apprendre à connaître l’internaute consommateur. L’arbitrage du consommateur trouve son pendant dans la capacité croissante du vendeur à suivre et affiner son profil en instaurant une politique de prix dynamique - dans les limites de la légalité. Nokia, avec sa gamme Vertu, a par exemple lancé une stratégie de différenciation par le service le service « Concierge » totalement complémentaire à la valeur cardinale associée au bien : la mobilité. Grâce à ce service, le propriétaire du Vertu dispose où qu'il soit et à n'importe quelle heure d'un service se voulant l'équivalent du Concierge du Crillon. La révolution ne fait que commencer…

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1 Sondage en ligne effectué par le Journal du Net auprès de 671 internautes entre le 10 et le 14 juin 2002

2 Les produits numériques sont les produits intégralement « consommés » sur l’Internet : par exemple visionner un film ou consulter un site d’informations

 
 
 
Liens


Entreprises citées

Kelkoo


MySimon


Ebay


Rent-a-car


Ryanair


Air France


Nouvelles Frontières


Covisint


WWRE


"Concierge"
(service du Nokia Vertu)

Pour en savoir plus

Surviving the shakeout: where B2B exchanges went wrong
- Knowledge@Wharton

Professional pricing society


Internet pricing
- McKinsey

McKinsey Pricing practice


Résultats financiers de Kelkoo
- Lettre de l'Atelier

Privacy, Economics, and Price Discrimination on the Internet
- Andrew Odlyzko (.pdf)

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