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  Janvier 2003
     

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Neuer Markt : un ange passe…

 
 
   
 
   


Par Cyril Demaria et
Laurent Kretzschmar

La fermeture annoncée du Neuer Markt à la fin de l’année 2002 intervient dans un contexte passionné : celui d’un krach boursier mondial. Elle marque la fin du bref état de grâce dont ont bénéficié la création d’entreprise et l’innovation technologique en Europe, ce qui est préjudiciable dans un contexte de récession latente. Sacrifié en Allemagne, le compartiment des valeurs de croissance est chahuté en France, où certains analystes appellent à sa fermeture, et aux Etats-Unis, le Nasdaq cherchant désormais à fusionner. Le Nasdaq Japon a, quant à lui, discrètement fermé.

Cette chasse aux sorcières initiée par les autorités boursières pour satisfaire les petits porteurs face à la crise des valeurs technologiques sonne comme un aveu d’échec : celui de la transposition du modèle anglo-saxon d’actionnariat populaire susceptible de financer l’innovation technologique. C’est aussi potentiellement un immense gâchis, car la culture économique et financière continentale risque de connaître une forme de régression alors qu’elle dispose d’une chance de se renouveler radicalement. Il est en effet temps d’entamer une réflexion sérieuse sur le financement de l’innovation en Europe.

Que constate-t-on ? L’Europe a importé un modèle de financement calqué sur celui des Etats-Unis et a tenté de l’imposer, que ce soit par la création de compartiments nationaux ou par l’établissement d’un Easdaq avorté. La greffe ne semble pas avoir pris car les modèles d’actionnariat continentaux sont différents de celui en vigueur Outre-Atlantique. La France, l’Allemagne et les autres pays européens ont construit leurs propres modèles socio-économiques, fruits de réglementations et de cultures économiques spécifiques, qui déterminent la circulation de l’épargne irriguant les circuits de financement de l’économie.

La France a ainsi promu les Fonds Communs de Placement à Risque / dans l’Innovation (FCPR et FCPI) au rang d’acteurs majeurs du financement de l’innovation. Ce choix est dû au fait que l’épargne est massivement drainée par les établissements financiers conseillant les épargnants dans leur choix de profil d’aversion au risque. Cette intermédiation financière est a priori positive, car elle éclaire l’épargnant dans ses choix et l’aide à fonder ses décisions sur des critères à la fois objectifs et adaptés à sa situation particulière.

Connaissant un succès croissant, les FCP sont pourtant peu contrôlés

Pourtant, aujourd’hui, qui peut dire ce que valent réellement les FCPR et FCPI ? Ces structures sont opaques et elles prennent un poids économique croissant. En effet, bien que diminuant de 38% par rapport à 2000, les 3,2 milliards d’euros investis par les fonds en France en 2001 restent supérieurs aux 2,8 milliards investis en 1999. En part relative, cela signifie que la progression des dotations financières des fonds d’investissement croit plus vite que la collecte directe par les jeunes entreprises sur le marché.


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Ces fonds sont très peu contrôlés et ne sont pas notés par les agences d’évaluation financière. La communication financière fixée par la loi ne donne aux actionnaires que des photographies incomplètes et figées de la situation des FCPI. Le contrôle de la Commission des Opérations en Bourse est strictement limité à la vérification de ratios d’investissement et au respect de procédures formelles. Lorsque l’on sait que les banques placent en priorité leurs propres produits, et que l’épargnant ne souscrit aujourd’hui aux FCPI que pour la carotte fiscale qu’elle leur apporte, il y a de quoi s’inquiéter.

En effet, dans le phénomène de bulle spéculative, les fonds d’investissement ont eu leur part de responsabilité, qui reste à évaluer. Beaucoup d’acteurs sont entrés sur le marché pour profiter de l’afflux de capitaux sans pour autant avoir les moyens et l’expérience pour investir. La sanction reste pourtant rare. Les équipes d’investissement vivent dans une certaine impunité, à la fois statutaire, grâce à la convention collective bancaire qui limite les répercussions des erreurs des gérants ; et surtout morale, les responsabilités étant diluées et surtout occultées. L’épargnant n’a en effet pas les moyens d’exercer de contrôle sur les FCP où il investit.

Le Neueur Markt, une boîte à outils pour le private equity

Dès lors, pourquoi ne pas reconvertir les outils disponibles comme le Neuer Markt en outils d’évaluation des fonds d’investissement ? Il est évident que désormais, ce seront ces fonds qui prendront part au financement de l’innovation : les retraits de cote par des fonds spécialisés, les PIPE (private investment in public equities) ou encore les opérations de LBO (leveraged buy out), y compris sur des pôles entiers de sociétés cotées, se multiplient. Ces opérations ont un impact direct et réel sur les marchés primaires et secondaires, ce qui place de facto les fonds dans une situation particulière, militant pour une cotation sur un compartiment aménagé instituant une éthique financière de transparence et de bonne gouvernance.

En condamnant le Neuer Markt, victime de sa jeunesse autant que des fraudes qui l’ont miné, les autorités boursières ont privilégié un secteur dont la seule vertu fut jusqu’à présent sa discrétion. La découverte de malversations ou de conflits d’intérêt reste encore à venir comme le prouve la multiplication des procès d’actionnaires contre les gérants aux Etats-Unis, y compris à l’encontre de grands noms du private equity. Un grand mouvement en faveur de la transparence, qui n’est pas que cosmétique, s’est engagé à l’initiative de fonds de pension très puissants comme CALPerS ou plus récemment de l’UTIMCO. On peut supposer que le contexte financier post-Enron favorisera ce genre d’initiatives plus qu’il ne les freinera, mais la levée de bouclier des fonds d’investissement a été immédiate. La bataille ne fait que s’engager, comme c’est le cas au Massachusetts où les fonds d’investissement ont pris les devant en poursuivant leurs actionnaires institutionnels.

Que l’on regrette ou non cet état de fait, les fonds de pension ne sont pas très développés en Europe continentale. Cela signifie que le mouvement initié aux Etats-Unis, même s’il est puissant, a peu de chances de se retrouver en France. Les établissements financiers sont juges et partie en matière de création et d’évaluation des FCP. Quelques fonds de fonds émergent en Europe, mais restent rares et ne peuvent imposer à eux seuls des best practices importées des Etats-Unis ou, mieux encore, spécialement créées pour tenir compte des spécificités continentales.

Sauf à prendre le risque d’appauvrir le financement de l’innovation en Europe, il convient d’instaurer un système d’évaluation quantitatif et qualitatif des fonds d’investissement pour éviter toute défiance actionnariale, en invitant les gérants à répondre devant les investisseurs de leurs choix et de leurs orientations. Car si l’investissement en private equity se targue de miser sur le long terme, il est inenvisageable que cela serve de blanc-seing à des équipes désormais investies d’un rôle crucial pour l’avenir technologique et entrepreneurial européen.

 
 
 
Liens


Entreprises citées

CalPERS


UTIMCO


Autres Sites

News Factor - Nasdaq Cuts Ties with Japanese Exchange
(à propos de la fin du Nasdaq Japon)

Private Equity Week - VCs Plan Suit Against MassPRIM To Keep Data Private
(à propos de l'attaque préventive des actionnaires de MassPRIM contre la divulgation d'informations)

Frankfurter Allgemeine Zeitung - Fresh Start for Stock Market Segments
(à propos de la réforme du Neuer Markt)


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