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  Septembre 2003
     

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Intranet et motivation des individus au travail

 
 
   


Par Nicolas Humeau

Introduction : les apports de la sociologie des organisations

La sociologie des organisations analyse les comportements des individus lorsqu'ils sont partie prenante d'une organisation stable. Ainsi, si l'on veut expliquer la motivation d'un professionnel au travail, les déterminants strictement individuels de son parcours (le diplôme acquis, le degré de maîtrise d'une technique, etc.) n'y suffisent pas : il faut prendre en compte l'ensemble de son environnement. Cette approche sera utile aux managers souhaitant cerner leur propre comportement ou agir sur celui des autres.

Organisations et motivation des individus

La sociologie des organisations définit la motivation au travail comme "un processus de décision par lequel l'individu sélectionne les objectifs professionnels désirés et met en oeuvre les comportements lui permettant de les atteindre". Pour influer sur ce processus de décision, deux politiques de motivation radicalement différentes sont pratiquées par les entreprises, en fonction de leur culture dominante et de la personnalité des encadrants : la contrainte et l'incitation. Une erreur fréquente est de ne qualifier de "motivation" que les actions et signaux qui ne relèvent que de l'incitation. Car on peut tout à fait motiver, c'est-à-dire inciter à agir, par la contrainte ("kick asses and take names"...).

Toutefois, l'intranet sera d'un faible secours dans cette configuration, à l'exception des possibilités offertes en matière de traçabilité (certains portails "ERM" - employee relationship management - deviennent aujourd'hui contrôleurs de performance). C'est donc en matière de motivation par l'incitation que l'intranet ouvre le plus d'opportunités.

Nous distinguons trois types d'objectifs professionnels potentiellement sources de motivation :

- ceux qui relèvent de "besoins" supposés objectifs et universels, dont les travaux de Maslow rendent compte ;

- ceux qui relèvent de "besoins" supposés subjectifs et particuliers, inégalement partagés au sein d'une population professionnelle donnée (Vroom) ;

- ceux qui relèvent d'un processus social d'influence (Herzberg).

La pyramide des besoins d'Abraham Maslow

Abraham Maslow a élaboré une théorie selon laquelle la motivation s'explique par la recherche de la satisfaction hiérarchisée de cinq besoins :

1. Besoins physiologiques (professionnellement : de bonnes conditions de travail, un salaire décent...) ;

2. Besoins de sécurité (sentiment de "confort" moral, et notamment visibilité des exigences managériales) ;

3. Besoins d'affection (socialisation) ;

4. Besoins d'estime (appréciations positives portées sur le travail accompli, reconnaissance par le titre, la promotion ou la mise en avant ponctuelle) ;

5. Besoins de réalisation (dépassement, créativité).

La hiérarchie est issue de la nécessité d'avoir, par exemple, et globalement, satisfait aux besoins physiologiques, de sécurité et d'affection, avant de ressentir une motivation à satisfaire les besoins d'estime. L'ultime besoin, la réalisation de soi, ne peut jamais totalement être satisfait, d'où une motivation constante à la rechercher.

Le modèle expectation-valence de Victor H. Vroom

Victor H. Vroom formalisa le premier une approche cognitive, moins universelle, de la motivation. Son modèle est qualifié "d'expectation-valence" (expectancy theory) : il fait résulter la motivation de la combinaison d'une probabilité subjective qu'un comportement donné aboutisse à un résultat donné avec la valeur accordée par l'individu à ce résultat. Autrement dit : motivation = expectation x valence.

Il s'agit bien d'une multiplication, car si l'un ou l'autre des termes est égal à zéro, l'individu n'a pas de motivation : soit il valorise fortement l'objectif, mais se sent incapable d'y arriver ; soit il se sent en mesure d'adopter le comportement en question, mais n’y voit aucun intérêt.

Dans un contexte professionnel, le modèle de Vroom introduit la possibilité d'agir, d'une part, sur la perception subjective par les individus de la difficulté à adopter le "bon" comportement, et, d'autre part, sur la valeur même accordée à l'objectif poursuivi.

La théorie bi-factorielle de Frederick Herzberg

Herzberg a proposé une analyse de la satisfaction et de l’insatisfaction des travailleurs (d'où le terme "bi-factorielle"), en mettant en relief l'importance de l'enrichissement des tâches (job enrichment). Ce n'est plus tant le contenu même de la tâche accomplie que l'expérience subjective vécue en situation professionnelle qui détermine la motivation au travail.

L'amélioration des facteurs de satisfaction produit systématiquement une élévation du degré de motivation, tandis que la réduction des facteurs d'insatisfaction permet tout au mieux de lever ladite insatisfaction, sans jamais constituer un "incentive" en soi.

Parmi les facteurs de satisfaction (facteur de motivation) :

- la reconnaissance, la responsabilisation, la réalisation de soi.

Parmi les facteurs d'insatisfaction (qui ne sont pas, en eux-mêmes, facteurs de motivation) :

- le salaire (le lecteur appréciera), la sécurité et les conditions de travail de manière générale.

En se basant sur cinq vecteurs d'enrichissement (la variété, la complétude, l'importance, l'autonomie et le feedback), Herzberg propose en outre plusieurs pistes d'augmentation de la motivation professionnelle :

- alléger les contrôles,

- responsabiliser l'individu,

- ne pas fragmenter les tâches à l'excès,

- donner un feedback direct,

- introduire de nouvelles tâches,

Intranet et motivation des individus

Apparus en 1997, les intranets de première génération (parfois qualifiés de "vitrines") se bornent à mettre à disposition de l'information de manière "descendante", unilatérale. Certaines entreprises en sont restées à ce stade (retard ou auto-censure). De premiers effets en matière de motivation professionnelle se font néanmoins sentir.

Dans la pyramide des besoins de Maslow, c'est le besoin de sécurité qui se trouve d'abord concerné. En publiant sur l'intranet certains documents clés, l'entreprise donne de la visibilité à ses collaborateurs sur sa politique et ses attentes, levant ainsi craintes et incertitudes. Ce n'est pas un hasard si les services RH sont souvent pionniers dans l'appropriation de l'intranet : ce sont en effet ceux qui "traduisent" opérationnellement dans l'entreprise les mots d'ordre managériaux.

Ce principe de visibilité place en outre chacun face à ses responsabilités et équivaut à passer un contrat moral tacite avec les collaborateurs : voici la loi, nul(le) n'est sensé(e) l'ignorer. Ce faisant, le management responsabilise l'individu, au sens d’Herzberg.

Vient ensuite le besoin d'affection, auquel les forums, outils de socialisation, peuvent constituer une réponse. Cependant, bien des forums échouèrent à motiver en négligeant un des deux termes de l'équation de Vroom : l'outil de socialisation, support des échanges, créait une expectation, mais pas une valence, c'est-à-dire le sentiment que ces échanges allaient être utilement pris en compte.

A ce titre, les intranets de seconde génération introduisent de nouveaux leviers de motivation. La professionnalisation des forums (modération, canalisation des thèmes...) contribue à satisfaire le besoin d'affection, en créant de réels espaces de socialisation professionnelle combinant expectation et valence.

Les fonctionnalités avancées de publication valorisent quant à elles la notion "d'auteur" en faisant ainsi écho au besoin d'estime. Cette motivation à publier sur intranet est toutefois à double tranchant : la crainte du jugement d'autrui constitue un frein important à la publication.

Le besoin d'estime trouve aussi satisfaction dans la possibilité offerte aux autres, et notamment aux managers, de publier des commentaires sur certaines productions, s'appuyant au passage sur le vecteur "feedback" de Herzberg. La plupart des circuits intranets de workflow documentaire participent de cette logique.

Enfin, le développement des intranets de seconde génération est l'occasion pour certaines fonctions support (assistanat) de remplir de nouvelles tâches à valeur ajoutée, facteur de motivation supplémentaire selon Herzberg : par exemple la capitalisation des savoirs ou l'animation d'espaces de travail virtuels.

Aujourd'hui, la plupart des intranets relève de cette seconde génération, tandis que la troisième émerge. Quels en seront les enjeux ?

Au-delà des besoins d'affection et d'estime, c'est la satisfaction des besoins de réalisation qu'il conviendra d'assurer. Dès lors que la technologie sera suffisamment mature pour constituer un réel prolongement des capacités créatives de l'utilisateur, de nouvelles sources de motivation apparaîtront. Ceci nécessitera toutefois une action managériale volontariste, complétée par de la formation. Il faudra également prévenir le risque de "fracture numérique". Les bornes de consultation et accès via WebTV peuvent y contribuer en étant intégrées à la situation de travail dans son ensemble (prévoir un temps et un lieu de consultation).

Conclusion : l'enjeu motivationnel

L'enjeu motivationnel, dont les intranets sont un levier de plus en plus significatif, consiste à enclencher ce cercle vertueux, permettant à chaque collaborateur d’allier capacité et intérêt pour son travail (hors ligne / en ligne). Cela demande au management un effort d’appropriation des principes de la sociologie des organisations et de ses déclinaisons spécifiques sur intranet.

 
 
 
Liens


Pour en savoir plus

Getting a Handle on Employee Motivation
- Anne Field, HBS Working Knowledge

The motivational manager
- Revue

Portail des responsables francophones d'intranets
(ClubNet)

Synthèse des théories de la motivation
(.pdf)

Intranet, de l'outil à l'usage : agir sur la motivation ?
- Université Paris Dauphine (.pdf)


Références bibliographiques

"e-transformation : les entreprises font de la résistance" - L'Expansion Management Review, décembre 2002
Plus que dans la technologie, c'est dans l'organisation que les entreprises doivent investir si elles veulent pouvoir mettre à profit les nouvelles technologies de l'information.


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