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  Décembre 2004
     

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Gérer la connaissance : de la codification à la collaboration

 
 
   


Par Laurent Kretzschmar

Les applications de la gestion des connaissances (ou knowledge management, KM) à l’environnement professionnel sont un phénomène relativement récent. Elles datent de moins de vingt ans et ne sont pas encore adoptées par toutes les entreprises. Lorsque c’est le cas, elles ne sont pas positionnées de manière uniforme dans l’organisation (la gestion des connaissances peut relever d’un directeur ad hoc, de la DSI, des RH, ou encore directement des divisions opérationnelles). Après tout, il n’y a pas si longtemps, des études ne titraient-elles pas « Le KM, un feu de paille ? ». Malgré cette jeunesse, le KM n’en est plus à ses débuts. Il a déjà traversé plusieurs phases et les premières expérimentations, brouillonnes et coûteuses, ont fait l’objet d’une censure par des instances dirigeantes d’abord attentives puis inquiètes. Le foisonnement de nouvelles technologies (applications mobiles, blogs, wikis, messagerie instantanée professionnelle) peut-il être synonyme d’un regain d’intérêt ?

Les choses ne firent qu’empirer…

La dernière fois que le KM fit parler de lui, il ne réussit qu’à se discréditer. Nous étions alors dans la seconde moitié des années 90, l’argent coulait à flot et les consultants avaient de brillantes idées. Une interprétation simpliste du modèle SECI - socialisation, externalisation, combinaison, internalisation - de Nonaka et Takeuchi, combinée à une dévotion à la technologie Lotus Notes qui dominait le marché, conduisit les nouveaux managers de la connaissance à se centrer sur la codification et l’explicitation (sous forme de document électronique) de la connaissance. Elle pouvait ainsi être stockée dans d’imposantes bases de données à la disposition de l’ensemble du personnel. Plus ces bases contenaient de documents, plus nombreuses étaient les « formalisations » de « retours d’expérience » et de « meilleures pratiques », plus la « mémoire d’entreprise » pourrait progressivement se constituer.

On assista à la mise en oeuvre de grands projets de bases de connaissances et de portails d’intégration de contenu. Mesurer leur retour sur investissement financier n’était évidemment pas possible en regard de la nature qualitative des bénéfices attendus. Le seul paramètre quantitatif à disposition (le temps d’utilisation par les collaborateurs) était approché monolithiquement : plus un collaborateur investissait de temps, meilleur était le retour sur investissement. La possibilité qu’il passe en fait trop de temps dans ses recherches d’information n’était pas prise en compte.

Entre 2000 et 2003, quand les investissements informatiques furent réduits de concert avec les équipes KM, afin de préserver les marges dans un contexte de résultats atones, la fin de cet engouement excessif fit l’objet de nombreuses analyses sur les raisons d’un échec :

- Le partage de connaissances avait été considéré comme naturel, les collaborateurs étant prêts à y consacrer leur tiers-temps, « demeurant un peu plus tard chaque soir pour partager ce qu’ils avaient appris et arrivant un peu plus tôt chaque matin pour apprendre à leur tour » (T. Davenport & J. Glaser). Dans les faits, le partage de connaissances n’eût cours que sur la base du volontariat, personne ne pouvant être forcé ou incité à s’y livrer.

- La croyance sous-jacente avait été que la majeure partie de la connaissance pouvait être codifiée, avant de reconnaître la nature non structurée (dans les faits comme dans les intentions) de la connaissance dans l’entreprise. Tenter de codifier la connaissance était trop dispendieux en argent comme en temps, voire quelquefois simplement impossible.

- En conséquence, les collaborateurs avaient été surchargés par une information très abondante mais ni pertinente, ni contextualisée, phénomène que l’on qualifie aussi « d’infobésité ». Il était apparu que la connaissance était par nature contextuelle. Ainsi Dave Snowden : « Souvent, l’homme ne prend conscience de ce qu’il sait [ou de ce dont il a besoin] que lorsque la situation l’exige ».

Un nouveau départ

La combinaison de ces analyses avec les facteurs de l’environnement professionnel actuel pourrait créer les conditions d’un nouveau cycle (vertueux) de management de la connaissance. La croissance molle limite en effet les dépenses de fonctionnement, tandis que les investissements dans le KM doivent être optimisés et générer de la valeur dès l’origine. L’utilisation croissante d’internet dans le monde des affaires a brouillé les frontières de l’entreprise et les collaborateurs doivent interagir avec différentes sortes d’informations et de partenaires, issus des environnements interne et externe. Le KM doit pour sa part s’ouvrir à ce monde dans lequel l’information et la connaissance se présentent sous des formes variées et ne sont pas aisément repérables. L’outsourcing comme l’offshoring ont mis en lumière l’importance critique des travailleurs hautement qualifiés, dont les connaissances ne sont pas facilement codifiables. Par ailleurs, la globalisation et la mobilité croissante des travailleurs poussent les dispositifs de KM vers un accès direct et permanent aux ressources.

Au final, les entreprises ont compris que des solutions innovantes offrant aux travailleurs hautement qualifiés des fonctionnalités collaboratives, entre eux et avec des partenaires externes, en temps réel et dans une logique de besoin, pouvaient générer plus de valeur que l’approche traditionnelle du KM.

Col-la-bo-ra-tion

Le cas des communautés expertes est probablement le meilleur exemple du passage d’une gestion globalisante de connaissances explicites à un soutien ponctuel à la collaboration. Ne nécessitant que peu ou pas de support technologique, de telles communautés ne restent actives que tant qu’elles remplissent leur rôle fédérateur auprès de collaborateurs réunis pour résoudre un problème. Dès qu’elles perdent cette utilité, leurs membres s’évanouissent. Les communautés de pratique plus généralement ne déterminent pas à l’avance quelles connaissances sont nécessaires, ni qui les détient. Leurs facteurs clés de succès sont la flexibilité de la solution collaborative, permettant un dialogue direct et contextualisé, et l’acceptation par le groupe du principe volontariste qui sous-tend le partage de connaissances.

La montée en puissance de la collaboration au détriment de la codification repose aussi sur une pluralité de nouvelles technologies flexibles :
- Les Blogs, ciblés, peu coûteux et facile à mettre en œuvre, qui n’existent que pour les personnes désireuses de partager la connaissance, d’écrire pour les autres ou de les lire.

- La messagerie instantanée, peut-être le meilleur moyen d’obtenir sans délai des réponses, des informations vitales ou de simples conseils de la part de collègues ou d’experts.

- Lorsqu’il s’agit d’identifier qui détient la bonne connaissance, des technologies comme celle proposée par la société Tacit peuvent aider à trouver des experts. Le logiciel reconnaît et publie le domaine d’expertise d’une personne par une analyse automatisée de l’historique du courrier électronique.

Encore tout ceci ne se déroule-t-il pas uniquement dans l’univers professionnel. Quand Amazon déduit les préférences d’un client à partir de l’historique de ses achats et de sa navigation, elle aide à bâtir un réseau fluide de partage entre utilisateurs de même profil ou appétences. Des systèmes décentralisés de partage de fichiers comme Kazaa incarnent une autre forme de collaboration ouverte visant à obtenir la musique voulue auprès des personnes qui la détiennent. Par ailleurs, les wikis pourraient bien être les dispositifs les plus ouverts et flexibles pour bâtir le socle de connaissances d’une communauté. Après tout, se constituer un réseau personnel virtuel et repérer sa proximité avec des communautés d’intérêts sont deux tendances fortes caractérisant l’internet d’aujourd’hui.

La création par Ray Ozzie, à l’origine de la technologie Lotus Notes qui a déterminé si fortement les pratiques premières du KM, de Groove - solution collaborative qui aide les collaborateurs dans leurs « relations professionnelles décentralisées en réseau » - souligne suffisamment que relier les collaborateurs et leur permettre de communiquer quand ils le doivent et s’ils le veulent représente le nouvel enjeu de la gestion des connaissances, bien plus que passer du temps à imaginer comment documenter leur expertise.

Néanmoins, comme à tout commencement, un avertissement est nécessaire. Le KM a déjà été tenté de pousser une logique trop loin, et l’ensemble des acteurs pourraient cette fois se centrer à l’excès sur la liberté offerte par la collaboration en temps réel. Certains prédisent déjà un retour à la rationalisation de la gestion de contenu et du domaine décisionnel sous l’influence des règles régissant la propriété intellectuelle ou à travers l’automatisation de ces mêmes processus décisionnels. Dès lors, espérons que les leçons de la collaboration ne seront pas oubliées.

 
 
 
Liens


Entreprises

Amazon


Kazaa


Groove


Lotus Notes


Tacit



Autres sites


“Just-in-time delivery comes to knowledge management”
- Tom Davenport & John Glaser, Harvard Business Review, 07/2002

“Just-In-Time Knowledge Management: Part I”
- Dave Snowden, KM Review, 11-12/2002

“Ray Ozzie’s Blog”


Knowledge Management - Approche OCSIMA de la Gestion des Connaissances


Email as spectroscopy - automated discovery of community structure within organizations
- HP Labs, 2003


Microsoft, Groove Networks to Combine Forces to Create Anytime, Anywhere Collaboration
- Microsoft, 03/10/2005


Références bibliographiques

“The Knowledge-Creating Company” - Ikujiro Nonaka & Hirotaka Takeuchi


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