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  Février 2006
     

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Capital-risque : constant gardening (1/2)

 
 
   


Par Cyril Demaria

L'écosystème de la jeune pousse

Des statistiques de retours sur investissement trompeuses

Le capital-risque européen souffre d'une mauvaise image. D'après Venturexpert, ses performances cumulées annualisées et celles du capital-risque américain entre 1969 et 2005 étaient respectivement de 5,9 et 16,2%. Ce n'est donc pas seulement dû aux déboires des années post 2000. L'opinion est très répandue que les rendements des fonds européens sont condamnés à être inférieurs à ceux de leurs homologues américains.

Cette opinion et ces chiffres sont à relativiser. S'improviser investisseur en capital-risque est illusoire. 1998-2003 a marqué cette prise de conscience en Europe. La déception n'en a été que plus grande quand ce secteur émergeant a connu sa première réelle crise de croissance. Le capital-risque européen est un secteur d'investissement récent et en développement. Il faut beaucoup de temps et d'efforts pour qu'émerge un financement de l'innovation dynamique et sain.

Ce n'est donc pas le "parent pauvre" qu'il faut aider : les fonds ont des rendements somme toute comparables à ceux de leurs homologues américains. En effet, corrigé du différentiel de croissance économique entre les deux zones, ainsi que de la volatilité des marchés financiers, et des éventuelles différence de méthodes de comptabilité et de reporting, les performances du capital-risque européen sont malgré tout attractives.


Multiples moyens pondérés par millésime des fonds de capital risques européens et américains



Millésime


Nombre de fonds US Nombre de fonds EU
Multiple moyen pondéré US

Multiple moyen pondéré EU
1990 22 14 2,80 2,65
1991 18 20 3,32 1,55
1992 25 8 2,86 2,38
1993 40 17 3,82 1,69
1994 40 20 3,80 2,07
1995 47 22 4,21 2,44
1996 33 22 4,86 1,54
1997 57 39 2,41 1,85
1998 78 44 1,66 0,98
1999 106 63 0,68 0,85
2000 116 100 0,90 0,72
2001 52 62 0,93 0,83
2002 18 26 0,92 0,99
2003 12 13 1,03 1,00
2004 12 11 0,91 0,88
2005 3 5 0,90 0,48
Source : Venturexpert (performance au 30/09/2005)

Les Etats-Unis ont connu plusieurs cycles et ont patiemment construit leur propre écosystème, à travers la crise des technologies environnementales, celle des biotechnologies, puis celle des technologies de l'information. C'est ce qui leur a permis de mieux traverser cette dernière, leurs homologues européens étant moins expérimentés - de même qu'un marché financier arrivé à maturité : le Nasdaq. L'Europe n'est pas encore dotée de son équivalent, même si l'AIM semble devoir offrir une solution.

Cependant, cette crise a laissé une impression tenace : celle du "on a déjà tout inventé" et "les jeux sont faits". Ce serait une erreur que de s'en tenir à ce raisonnement. En effet, une des leçons de cette crise est qu'il est indispensable de maintenir une vision à moyen ou long terme pour investir en capital-risque.

Un terreau technologique fertile…

Les technologies de l'information sont une source d'innovation prolifique. Internet a émergé d'initiatives européennes (du CERN, Centre Européen de Recherche Nucléaire, notamment), autant qu'américaines. Les inventions potentielles sont démultipliées et couvrent des secteurs où l'Europe dispose d'atouts considérables. Non seulement le besoin de stockage de données est un secteur en croissance tendancielle très forte, mais les standards de gestion et d'accessibilité de ces données restent à déterminer. Les règles du jeu sont à inventer entre tous les acteurs, tout comme les normes d'Internet l'ont été. Les Européens sont invités à y participer et tirer les conséquences en innovant sur ce terrain.

… et un jardin d'Eden à entretenir et faire croître

La présence d'un écosystème d'investisseurs en capital-risque est probablement une des clés du succès de la Silicon Valley. Les investisseurs peuvent être concurrents sur certains investissements et associés sur d'autres. Ce processus est donc plus ou moins clair et surtout il est tributaire d'une sorte de "hiérarchie" au sein de la profession, mais aussi de rapports de force. La participation régulière à un "cluster" d'investisseurs est un bon signe car cela signifie que l'équipe de gestion est arrivée à prouver sa valeur auprès des autres investisseurs de son rang, mais aussi à confirmer cette place régulièrement.

En matière de cluster, il est à la fois question d'échange réciproque de services, mais aussi d'une forme de "diffusion" de la qualité perçue des acteurs. Les clusters limitent la concurrence entre les fonds et permettent de maintenir des prix d'entrée raisonnables. C'est une reconnaissance de facto du fait que chacun apporte une valeur spécifique à l'investissement, en plus d'une expérience et d'un regard originaux. Il n'y a pas vraiment de place pour des investisseurs hands off - ou alors il s'agit d'entreprises qui ont un rôle différent comme Siemens, Cisco ou Nokia. Intel Capital n'a pas la réputation d'être hands off mais intervient après les deux premiers tours de financement généralement.

L'autre effet du cluster est que, s'il n'est pas possible d'investir dans Sequoia Capital, il est peut-être possible d'investir avec eux. Un cluster constitué où un fonds est invité régulièrement représente un attrait certain. Certains fonds vont mettre en avant leurs co-investissements réguliers avec des les meilleurs fonds. A ce titre, ce n'est pas parce qu'une équipe de gestion rétrograde au second plan qu'elle ne lèvera plus de fonds. L'effet de notoriété est non négligeable. Comme il y a plus d'argent à investir qu'il n'y a de très bons fonds pour en accueillir, certains souscripteurs seront preneurs d'anciennes gloires pour les mettre dans leur portefeuille.

L'analyse des co-investisseurs d'un fonds donné est très importante. Elle qualifie son positionnement au sein de l'écosystème de la Silicon Valley, mais aussi son aptitude à participer à de 'bons' syndicats (invitation), tout autant qu'à en former (constitution) - ce dernier point étant crucial. En effet, la réputation de l'investisseur en capital-risque dans la Silicon Valley conditionne à la fois son deal sourcing (y compris "propriétaire", où il n'est pas mis en concurrence avec d'autres investisseurs) et son pouvoir de négociation. Certains fonds comme Sequoia Growth financent des entreprises rentables et qui a priori n'ont pas besoin d'investisseurs en capital-risque Ils sont généralement les seuls investisseurs invités. Simplement parce que Sequoia apporte plus que de l'argent...

Cette maturation est probablement en cours en Europe. La situation locale est relativement différente, car l'Union européenne est un marché fragmenté où l'émergence de clusters risque de prendre plus de temps. Il est délicat d'avoir une stratégie pan-européenne pour un fonds de capital-risque. Les clusters sont donc essentiellement nationaux, ou bien transatlantiques (certains fonds comme Accel et Benchmark s'étant implantés à Londres).

De l'importance de la culture du risque et des relations personnelles

Il est toutefois une dimension socio-culturelle encore plus déterminante : l'aptitude de la population d'une zone donnée à prendre des risques. Le fait qu'il existe des clusters israelo-américains d'investisseurs et que certaines firmes aient même intégré Israël dans leur univers d'investissement (comme Sequoia qui n'a que ce bureau hors de la Silicon Valley) illustre cette question. Ceci n'est peut-être qu'une coïncidence, mais le fait que les deux valleys (américaine et "européenne" ?) soient sur des failles (l'une géographique et l'autre géopolitique) pourrait impliquer un autre rapport au risque et à l'initiative.

C'est ici que s'inscrivent les dynamiques interpersonnelles. En effet, au-delà du nom de la firme à laquelle appartient un partner, ce sont les associés de cette firme qui apportent leurs relations interpersonnelles et la dynamique d'échange. A cet égard, il est important d'identifier des clusters de personnes. La dynamique de certaines équipes montre que le départ de certains associés, ou bien une transition inter-générationnelle, peut tout simplement rétrograder une firme brillante en acteur de second plan.

Les "vrais" échanges liés aux investissements sont en fait très humains et passent par une communauté d'intérêts très forte. Par exemple, apprécier les mêmes choses, fréquenter les mêmes lieux, ou encore s'investir dans la communauté sont autant d'éléments qui font que l'on arrive à créer un lieu d'appréciation indépendant du travail et qui renforce les relations "en prévision de...". Qu'est-ce qui décide de cet engagement - ou non ? In fine, c'est un aspect purement humain et un des critères déterminants (et éminemment difficile à appréhender) dans l'évaluation d'une équipe de gestion de fonds : quelle est leur motivation ? leur image ? leur réseau ? leur honnêteté ? leur stabilité ?

Sachant que la performance passée n'est pas nécessairement indicatrice de celle à venir, que le secteur est en évolution rapide et que les équipes se doivent d'être cohérentes et à la pointe de leur secteur, en fait le travail d'un souscripteur est très clairement d'apprécier cela. Tous les gérants de fonds de fonds prétendent faire de l'évaluation scientifique de rendement/risque et mettre en place des processus très scientifiques. C'est loin d'être l'aspect déterminant. In fine, il s'agit de la capacité des gérants de fonds à créer une impression sur leur interlocuteur et à créer certains liens. Le charisme, la confiance, mais aussi le respect et la capacité à valoriser son interlocuteur sont à cet égard beaucoup plus déterminants que tous les modèles du monde.

Nous nous attacherons à analyser les qualités du cultivateur le mois prochain.

 
 
 
Liens


Pour en savoir plus

Removable-storage revenue
- CNet

Personal servers and personal memory
- IFTF's Future Now

WWW Conference Mulls Web as Personal Memory Store
- Reuters

CERN


What Do Entrepreneurs Pay for Venture Capital Affiliation?
- HSU (D.), The Journal of Finance, Vol. LIX, no. 4, August 2004

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