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  Janvier 2004
     

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Les nouveaux modèles économiques du contenu en ligne

 
 
   
 
   


Par Laurent Kretzschmar et
Cyril Demaria

Tuyaux ou contenu ? Lequel fait vendre l’autre ? Au plus fort du boom technologique, ce débat était au cœur des stratégies de Vivendi (Vizzavi), AOL (Time Warner), Bertelsmann (Napster) et d’autres groupes. Il a fait long feu. En reprenant la définition d’IDC, le contenu est de l’information numérique, sans distinction de support (comme du texte, de la musique, des images et de la vidéo), et mise à disposition sur les réseaux. Aujourd'hui, aucun segment de marché ne semble gagner de l’argent. Dans bien des cas, le contenu est devenu une commodité.

Qui se souvient de l’origine d’une information ? De son auteur, mais aussi du média utilisé ? L’information est périssable, vite remplacée par la suivante, et les sources le sont tout autant dans notre esprit. Si "la télévision", "le journal", et "la radio" ne donnent pas une information, "Internet" - et non un site particulier - la fournira. Les professionnels ont constaté combien l’élasticité de la demande était importante face à l’information. Dans ce contexte, la rendre payante est un exercice périlleux. L’information textuelle, le segment de marché le plus mûr, sera donc notre terrain d’observation privilégié.

De la difficulté à définir et chiffrer le marché du contenu

Le chiffrage du marché potentiel pose problème : faut-il inclure les services de rencontres ? Les jeux en ligne ? Les études professionnelles ? La frontière entre services, contenu et logiciels est mince. Jupiter Research a montré en 2002 que 60% des utilisateurs d’information gratuite refuseraient de payer pour elle. Seuls 10% des utilisateurs paient du contenu en ligne, selon la Online Publisher Association… qui inclut les services de rencontres dans ce chiffre.

Or, les services de rencontres sont une catégorie radicalement différente du contenu en ligne. Le véritable « marché du contenu sur Internet » se réduit en fait aux segments de l’information professionnelle et de l’entertainment. Car si 99% des acheteurs sont des individus, l’essentiel du chiffre d’affaires est généré par les achats en volume des entreprises. 1% des acheteurs génère ainsi 70% du chiffre d’affaires. Les chiffres du New York Times confirment cette répartition côté grand public, puisque pour 11 millions d’utilisateurs enregistrés et actifs, 1,5 million sont des visiteurs fréquents exposés à la publicité, mais seuls 20.000 se sont enregistrés pour le News Tracker qui génère réellement du chiffre d’affaires (20 dollars par an et par client). Une goutte d’eau dans un océan de contenu diffusé par les autres médias, chiffré en milliards de dollars.

En prenant en compte l’e-learning et l’e-recruiting, à la frontière du contenu et des services, IDC chiffre les marchés américain, européen et asiatique à 23, 20 et 5 milliards de dollars. Ces chiffres sont selon nous sujets à caution car la définition du marché est trop large.

Paradigm shift et modèle économique

Quelques consommateurs acceptent de payer par abonnement mensuel ou annuel, mais le business model évident, adopté par la télévision dès son origine, semblait être le financement par la publicité. Elle ne convient pourtant pas à l’écran d’ordinateur car l’utilisateur est actif et ne la subit pas passivement comme à la télévision. Elle fait partie du « brouillard » qui ne l’intéresse pas dans sa quête d’information. Aujourd’hui, le modèle publicitaire est virtuellement amené à disparaître. Pour la télévision, la généralisation des lecteurs/enregistreurs en temps réel (comme le Tivo) fournis avec les décodeurs, et demain avec les nouvelles télévisions numériques, permet de filtrer la publicité. La publicité pourrait n’être qu’une source périphérique de revenus, comme elle l’est pour les salles de cinéma. Le « frottement » de la diffusion de l’information devenant quasi nul sur Internet, comment protéger les marges et générer de nouveaux revenus ?

Le câble et le satellite ont montré que le public était prêt à payer pour du contenu si celui-ci était libre de publicité, de qualité et récent - voire inédit. Les journaux ont donc tenté d’adopter le modèle payant… en l’appliquant à l’envers : en laissant l’information du jour gratuite et en faisant payer les archives. Keep Media en a fait son métier et propose les archives de 140 magazines en contrepartie d’un abonnement mensuel. L’idée est la suivante : « si le cinéma tire ses revenus des catalogues de films, pourquoi les journaux et magazines n’en feraient pas de même ? » De fait, la demande d’archives de journaux n’est comparable ni en nature ni en taille avec la demande de loisirs vidéo. Comment imaginer, à l’heure du temps réel, un modèle où l’information d’hier financerait les nouvelles d’aujourd’hui ?

Les journaux en ligne ont testé successivement les modèles publicitaires et payants, de manière inadaptée. Ils continuent d’explorer les options, non pour trouver « le » modèle gagnant mais simplement un modèle complémentaire de transition vers le tout-numérique, combinant une présence sur Internet et des revenus. L’industrie cherche à tâtons à déterminer un prix.

L’information en ligne est pour l’instant moins chère. L’édition en ligne du Monde coûte 5 euros par mois contre 1 euro par numéro-papier. Le New York Times offre gratuitement son contenu en ligne, sans être rentable mais génère trimestriellement plus de 20 millions de dollars de revenus en maximisant ses revenus publicitaires. The Guardian mise sur la gratuité et attire plusieurs millions de lecteurs mensuellement contre 350 000 pour son édition papier. L’équipe parie sur un retour sur investissement sous forme de réputation et d’image tout en observant une faible cannibalisation de son lectorat « physique ». Elle propose par ailleurs un éventail d’innovations autour de l’information en ligne.

Les tentatives de l’Encyclopedia Britannica font figure de cas d’école. Après avoir tenté un modèle d’abonnement payant en ligne en 1994, la société a opté pour un modèle gratuit financé par la publicité et le sponsoring en 1999. Contre toute attente, elle est passée à un modèle à prix fixe en 2001, tout en relançant la trentaine de volumes de son édition papier. Ce choix semble contredire la théorie selon laquelle Internet concurrence et va remplacer le papier.

Quitte à faire payer le contenu, l’éditeur a choisi de respecter une attente essentielle du consommateur : la simplicité de la tarification. A mesure que les technologies se banalisent, les préférences des consommateurs deviennent déterminantes, plus que la maximisation des revenus et de l’utilisation des ressources. La prise en compte des préférences du consommateur est donc un facteur clé de succès.

En effet, la ressource rare est du côté de l’utilisateur : il s’agit de son attention et de son temps. Les sources payantes émergentes proposent des informations ciblées qui permettent à leurs utilisateurs de gagner du temps. L’information payante de niche s’en sort mieux que les médias généralistes, le Wall Street Journal faisant figure d’exception. Les informations ciblées « point-à-point » ont donc l’avantage sur les médias de masse, mais les journaux sur Internet doivent-ils nécessairement être des médias de masse ? N’est-il pas logique de considérer la version imprimée comme un média de masse, et la version électronique comme un média point-à-point ? Peut-être que la clé du modèle économique des journaux en ligne réside dans une nouvelle approche de diffusion du contenu en le syndiquant pour diffuser de l’information personnalisée aux lecteurs ?

Chaîne de valeur et nouveaux modèles

Jusqu’à présent, le modèle économique des journaux résidait dans leur capacité à rentabiliser du contenu coûteux en le diffusant largement, ce qui impliquait de produire des sujets susceptibles d’intéresser une masse de lecteurs. Il est désormais possible de diffuser de manière élargie un contenu ciblé, lui aussi coûteux, grâce à la syndication et au bundling. Les nouvelles technologies ont déplacé le seuil de rentabilité du contenu en même temps qu’elles ont modifié les attentes du lectorat.

La syndication est le moyen d’atteindre un large public grâce à différents canaux complémentaires ou concurrents. Les journaux devront donc se distinguer par le service qu’ils apporteront à leurs lecteurs, se transformant ainsi en distributeurs autant qu’en producteurs d’information. En tant que distributeurs, ils devront parallèlement mettre en place des techniques de bundling pour vendre des produits et services associés au contenu, ce dernier devenant une sorte de « produit d’appel ». Le Financial Times propose un service de niveau 1 avec une boîte e-mail illimitée et fournit gratuitement le contenu du journal à ses clients sous forme de newsletters. Le service de niveau 2 permet d’accéder aux articles de journaux concurrents répertoriés dans ses newsletters thématiques.

Désormais indépendante de son support, la question de la valeur attribuée à l’information pose problème. Plus que le nombre d’utilisateurs enregistrés, l’intensité et la fréquence d’utilisation des services associés importent … et l’implication du lectorat dans la fabrication du contenu de plusieurs manières. Le lecteur définit ses préférences individuelles, précieuses pour définir quels services et biens lui vendre. Il participe ensuite à la création du contenu, par des blogs (cas de Always-On Network, rentable), des contributions spécifiques (cas des publications juridiques, rédigées par des professionnels pour des professionnels), ou d’autres manières à inventer mais dont le but ultime est de donner aux utilisateurs la liberté de créer et d’utiliser le contenu à leur gré.

Dans la bataille pour les revenus sur Internet, les fournisseurs doivent abandonner l’image d’un flux univoque de contenu vers le public. Les échanges qui s’instaurent entre le fournisseur et son lecteur, mais aussi entre les lecteurs de publications différentes, et entre lecteurs et non-lecteurs sont très importants. Internet est indispensable car le contenu touche potentiellement tous les connectés, mais la killer app absolue demeure l’e-mail car ce qui intéresse in fine l’utilisateur est d’avoir la possibilité d’interagir avec autrui en utilisant le contenu comme support.

 
 
 
Liens


Entreprises et groupements citées

Vivendi-Universal

Vizzavi

AOL Time Warner

Bertelsmann


Napster

IDC

Jupiter Research

Online Publishers Association

New York Times

TiVo

Keep Media

Le Monde

The Guardian

Encyclopaedia Britannica

Wall Street Journal

Financial Times

Always-On Network

Pour en savoir plus

Le "contenu", ce faux ami
- Kaplan (D.), Internet Actu nouvelle génération, janvier 2004

Musique, numérique, propriété et échange : 8 millions de délinquants ?
- Kaplan (D.), Internet Actu nouvelle génération, 27 janvier 2004

PaidContent.org
- site très complet sur le contenu en ligne

Optimism returns to tech sector
- International Herald Tribune

On-line journalism review
- site relatif au journalisme en ligne abordant les problématiques éthiques, juridiques, etc.

L'avenir est aux sites de contenus et d'information
- Courrier International

Google News


Références bibliographiques

Net content : from free to fee - by Winder (J.), Harvard Business Review, reprint F0107D, July-August 2001 (payant)

Social currency - by Rushkoff (D.), Décembre 2000

« Internet pricing and the history of communications » - by Odlyzko (A.), AT&T Labs - Research, 8 février 2001

Worldwide Online Content Service Provider Forecast, 2002-2006 - by Gantz (J.), Dowling (S.) and Emberley (D.), IDC, 23 pages (payant)

The Internet content conundrum - C|Net/Knowledge@Wharton, 1er novembre 2003

Newspapers want to charge for content, but will readers pay? OJR

Syndication : The emerging model for business in the Internet era - by Werbach (K.), Harvard Business Review, Reprint R00311, May-June 2000 (payant)

RSS : le format qui détruit le format - Internet Actu Nouvelle Génération n° 10, 11 décembre 2003

La syndication de contenu change peu à peu la face du web - Fondation Internet Nouvelle Génération, 1er octobre 2003


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